Alain Hogue    -    Photographe de la nature

C'est toujours embêtant d'essayer d'expliquer qui l'on est et ce qui nous pousse à faire ce que l'on fait. D'ailleurs quand je pense à mon cheminement, je m'aperçois que mon histoire est plutôt banale. Comme la plupart des photographes de la nature je suis un autodidacte, j'aime les animaux depuis l'enfance, etc... Mais bon, vous ne m'en voudrez sûrement pas si je vous prive de ce genre d'information! J'aimerais plutôt partager avec vous ma vision de la photographie de la nature et en quoi mon approche peut différer de celle des autres.

Pourquoi photographier la nature

Pourquoi pas! Certains travaillent dans un bureau, d'autres construisent des maisons, moi je photographie la nature. Activité originale et diversifiée, la photographie de la nature est l'une des rares spécialités qui allie à la fois sens artistique, technologie, effort physique et ingéniosité. C'est vraiment un métier passionnant !

À première vue, l'on pourrait penser que la photographie de la nature est une activité noble et raffinée. Mais ce n'est pas toujours le cas ! La photographie d'animaux nous ramène plutôt vers nos instincts les plus primaires. La recherche d'une proie à se mettre sous la dent (de sa caméra), l'usage de la ruse et de la stratégie, l'approche sournoise (affût), la mise à mort (clic), puis finalement l'exhibition de la capture à la tribu (publication). N'est-ce pas là toute une gamme de comportements dignes des plus féroces prédateurs ?

Une approche différente

Il y a beaucoup d'excellents photographes de la nature et se démarquer n'est pas une mince affaire. Au fil du temps, j'ai donc tenté de développer un style bien à moi, une façon originale de capter des images.

La distance

Le premier aspect sur lequel je me suis attardé a été la question de la "distance". Les animaux sont souvent petits ou craintifs. Les approcher suffisamment devient alors l'une des principales difficultés. Au lieu de toujours recourir à de puissants téléobjectifs, j'ai préféré investir dans le temps! Du temps à développer des techniques d'approches, du temps à attendre patiemment sous l'affût, du temps à lire pour mieux comprendre les moeurs des animaux. Ce fût là une excellente décision car l'expérience du terrain m'a prouvé à maintes reprises que l'éloignement du sujet pouvait affecter la qualité des images. J'ai aussi découvert que la proximité avec son sujet pouvait avoir certains effets bénéfiques insoupçonnés. Lorsqu'on est près d'un animal, l'interaction n'est pas la même. Les mimiques et les comportements sont plus variés, plus vivants. Le sujet paraît tantôt inquiet, tantôt curieux, parfois même intrigué. Sans compter qu'en étant rapproché, il est beaucoup plus facile d'anticiper les mouvements.

Évidemment, il vaut mieux photographier les animaux de loin avec de puissants objectifs, plutôt que de les perturber faute de méthodes, de temps et de préparations adéquates. Mais lorsque l'on parvient à maîtriser les techniques d'approches, rien ne vaut l'intimité avec son sujet. On est à sa hauteur, tout près, dans son univers. Je crois que c'est la seule vraie façon de capter une authentique parcelle de la vie animale.

Sortir des sentiers battus

Un second aspect qui distingue ma pratique photographique se résume en une phrase : Sortir des sentiers battus ! Je sais que ça peut sembler un peu fou de transporter sur des kilomètres de lourds équipements, vers des endroits reculés, alors qu'il y a de nombreux endroits accessibles où les animaux sont habitués à la proximité des humains. Mais comme toute chose dans la vie, il y a un prix à payer pour emprunter la voie de la facilité. Plusieurs animaux ne fréquentent pas les parcs aménagés. Bon nombre d'espèces ne vivent que dans certaines régions sauvages et éloignées. Or se rendre dans ces endroits représente autant d'occasions de se surpasser et de réaliser des images inédites! N'est-ce pas là l'objectif ultime pour un photographe ?

Beaucoup reste à faire

Je dis souvent à la blague que ma meilleure photo sera la prochaine ! C'est un peu ma façon de dire que beaucoup restent à faire ! La nature est complexe et diversifiée et tant de choses n'ont pas encore été documentées. Et puis il y a ce sentiment d'urgence ! L'urgence de montrer la beauté de la nature sauvage avant qu'elle ne soit irrémédiablement altérée. L'urgence de sensibiliser les humains à l'importance de protéger ce qui n'a pas encore été détruit. L'urgence de convaincre les décideurs à conserver pour la postérité ce qui est irremplaçable. En pareilles circonstances, les photographes ont le devoir de montrer les splendeurs naturelles, mais à condition de le faire dans le respect de l'environnement, des habitats naturels et des animaux.